Depuis toujours, les bienfaits du sommeil ont été reconnus. Autrefois perçu comme un état cérébral inactif, il était souvent associé à des croyances religieuses où les rêves étaient vus comme des messages divins révélant l’avenir. Au XVIIIe siècle, Buffon considérait le sommeil comme un besoin naturel, tandis que Diderot, dans son Encyclopédie, le décrivait comme essentiel pour « soutenir, réparer et remonter la machine humaine ». En 1937, la première électroencéphalographie a permis d’identifier cinq états différents du sommeil, allant de la veille au sommeil profond. Plus tard, en 1957, des chercheurs américains ont découvert une phase particulière du sommeil que Michel Jouvet a qualifiée de « paradoxale », marquée par des mouvements rapides des yeux, période étroitement liée aux rêves.

Les nuits sont remplies d’événements encore mystérieux et, bien que l’on peine à définir précisément les fonctions du sommeil, on peut en dresser une liste de ses bienfaits.

Les conséquences de la privation de sommeil

Chez les animaux, empêcher un rat de dormir pendant deux à trois semaines entraîne une perte de poids malgré une augmentation de la prise alimentaire, une hypothermie et la mort, principalement en raison de la diminution des défenses immunitaires. Chez l’homme, la privation de sommeil peut être totale ou partielle. La privation totale est rare et survient généralement dans des situations exceptionnelles, comme des catastrophes ou des guerres. Certaines personnes, surtout des jeunes, se privent volontairement de sommeil pour tester leurs limites, souvent sans mesurer les risques. En 1964, Randy Gardner, alors âgé de 17 ans, a établi un record en restant éveillé 11 jours. Pendant cette expérience, bien qu’il ait semblé tolérer relativement bien le manque de sommeil, des signes de désorganisation cognitive, des trous de mémoire, des troubles visuels et une baisse des performances ont été observés. À la fin de cette privation, il a dormi 14 heures et 40 minutes.

Les navigateurs en solitaire qui réduisent leur sommeil sur de longues périodes rapportent des hallucinations visuelles et auditives en cas de privation sévère. Une privation partielle de sommeil, consistant à dormir seulement 4 heures pendant deux nuits consécutives, provoque une augmentation de la faim et un déséquilibre des hormones régulant l’appétit, augmentant ainsi le risque de prise de poids et de diabète. De plus, le manque de sommeil peut déclencher une inflammation dans le corps, favorisant ainsi l’hypertension artérielle et les troubles de l’humeur. Sur le plan immunitaire, la privation de sommeil diminue les lymphocytes, rendant l’organisme plus vulnérable aux infections et aux cancers.

Le rôle réparateur du sommeil profond

Le sommeil profond permet de restaurer l’énergie et de régénérer le corps. Selon certains scientifiques, il aide à réparer les processus physiologiques mis à mal pendant l’éveil. Après un effort physique intense ou pendant des phases de croissance, la durée du sommeil s’allonge. D’autres pensent que le sommeil permet au cerveau et aux connexions nerveuses de se reposer, aidant ainsi à prévenir l’accumulation de stress. De plus, durant cette phase, des substances toxiques, comme les protéines amyloïdes associées à la maladie d’Alzheimer, sont éliminées.

La production d’hormones et de protéines pendant le sommeil

Pendant le sommeil profond, la production de certaines protéines et hormones, notamment l’insuline et l’hormone de croissance, est augmentée. Chez l’enfant, ce processus est essentiel pour sa croissance. Un trouble du sommeil à ce stade, comme dans le cas d’apnées non traitées, peut perturber cette production et ralentir la courbe de croissance.

L’adaptation à l’environnement et le rôle du sommeil paradoxal

Le sommeil, notamment le sommeil paradoxal, est crucial pour l’adaptation à l’environnement. La privation de sommeil affaiblit le système immunitaire et rend l’organisme plus vulnérable aux infections. Le sommeil paradoxal joue un rôle important dans la maturation du système nerveux, particulièrement chez les nouveau-nés, où il représente 50 % du temps de sommeil. À l’âge adulte, ce pourcentage tombe à 20 %. C’est également durant cette phase que le cerveau trie et stocke les informations de la journée, favorisant ainsi la mémorisation et la construction de la personnalité.

Le lien entre le sommeil, la mémoire et la performance

Le sommeil a un impact direct sur la mémoire et l’apprentissage. Le sommeil lent consolide la mémoire existante, tandis que le sommeil paradoxal favorise l’acquisition de nouvelles informations. Des études ont montré que dormir après une période d’apprentissage améliore la rétention des informations. La performance physique et intellectuelle est également liée à la qualité du sommeil. Les sportifs, par exemple, doivent bien dormir avant une compétition pour optimiser leurs résultats.

L’influence du sommeil sur l’humeur et la vigilance

Le manque de sommeil entraîne souvent de l’irritabilité, de l’agressivité, et peut causer des problèmes de concentration et des troubles de l’humeur. De plus, il est essentiel pour maintenir une bonne vigilance, notamment pour les conducteurs ou les travailleurs effectuant des tâches dangereuses. Des études ont comparé les performances au volant de personnes privées de sommeil à celles ayant consommé de l’alcool, avec des résultats similaires après 24 heures sans dormir.

Conclusion

Dans notre société moderne, où les exigences de la vie quotidienne nous poussent souvent à sacrifier des heures de sommeil, il est essentiel de se rappeler que dormir est aussi vital que manger, boire ou respirer. Le sommeil influence notre santé physique, mentale et émotionnelle. Une privation chronique peut entraîner des troubles graves, tels que l’obésité, l’hypertension et des troubles cognitifs. Au final, le sommeil est un élément fondamental de notre bien-être, indispensable à notre équilibre et à notre survie.